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date: "2023-08-05"
dossier: ["L'Humain, cette espèce primitive"]
title: La technologie à la rescousse
weight: 16
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Notre technologie actuelle nous permet de combler certaines limitations de nos
capacités physiques, mais cela a pris du temps, et supprimer les barrières
actuelles en nécessitera aussi. Notre vision du monde était limitée à ce que
l'on voyait, au sens littéral du terme, et si Newton (1643 - 1727) découvrit
que la lumière blanche était composée de raies hétérogènes de couleurs
différentes dès 1672[^newton], ce n'est qu'en 1800 que William Herschel
(1738 - 1842) découvrit, par hasard, les infrarouges[^herschel_chemical_1837],
et en 1801 que Johann Wilhelm Ritter (1776 - 1810) mis en évidence les
ultraviolets[^contributeurs_wikipedia_johann_2020]. Soixante ans plus tard,
James Clerck Maxwell (1831 - 1879) prédit l'existence d'ondes électromagnétiques
dans toutes les fréquences possibles, ce qui permit à Heinrich Hertz
(1857 - 1894) de découvrir les ondes radio en 1886
[^contributeurs_wikipedia_experience_2021] (les ondes hertziennes), puis à
Wilhelm Röntgen (1845 - 1923) les rayons X en 1896. Ces découvertes ont augmenté
de façon significative notre perception du monde, en permettant l'imagerie
médicale, mais aussi de nouvelles méthodes d'observation astronomique. On peut
désormais "voir" à l'intérieur du corps (ou entendre, l'échographie étant basée
sur les ultrasons, mais qui permet pourtant une visualisation). On peut voir
l'effondrement d'une étoile, qui pourtant émet des rayons gamma.
[^newton]:
Cette découverte sera ensuite publiée dans _Opticks_ en 1704, aujourd'hui
considérée comme l'une des plus grandes œuvres scientifiques de l'histoire.
Voir Isaac Newton, Opticks, 1704. <https://data.bnf.fr/fr/15506384/isaac_newton_opticks/>
[^herschel_chemical_1837]: J. Herschel, On the Chemical Action of the Rays of the Solar Spectrum on Preparations of Silver and other Substances, Both Metallic and Non-Metallic; and on Some Photographic Processes. (Royal Society of London, 1837). <http://archive.org/details/philtrans06110605>
[^contributeurs_wikipedia_johann_2020]: Contributeurs Wikipédia. « Johann Wilhelm Ritter », Wikipédia, novembre 2020. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Johann_Wilhelm_Ritter&oldid=176865699>
[^contributeurs_wikipedia_experience_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Expérience de Hertz », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Expérience_de_Hertz?oldid=178334056>
La technologie nous a également permis d'étendre la portée de nos interactions.
D'abord signaux de fumée - variés en taille et en forme - aux Amériques et en
Chine, tambours en Afrique, puis signaux de feu, déjà imaginés par Eschyle dans
son _Orestie_[^eschyle_agamemnon_1872] datant de 458 av. J.-C. puis utilisés au
cours du Moyen-Âge et encore en usage au XVI<sup>ème</sup> siècle au Japon (le
_Noroshi-Jutsu_[^contributeurs_wikipedia_noroshi-jutsu_2020]), les
communications longue-distance se complexifient en mer à partir du XVIII<sup>ème</sup>
siècle grâce à l'usage des pavillons - un système perfectionné depuis mais
toujours en usage. Entre 1782 et 1793, on voit apparaître un système de
communication basé sur des tubes acoustiques porté par le moine français
Dom Gauthey et notamment soutenu par Benjamin Franklin[^lange_dom_2019], sous
forme de simples porte-voix portatifs ou de complexes réseaux en tubes de fer
blanc intégrés aux bâtiments, comme imaginés par Jeremy Bentham en 1793
[^bentham]. Une idée rapidement rendue obsolète par l'invention du télégraphe
l'année suivante par Claude Chappe (1763 - 1805) qui restera en activité en
France jusqu'en 1845, remplacé par le télégraphe électrique seulement deux ans
après son introduction en Amérique du Nord par Samuel Morse (1791 - 1872),
également créateur de l'alphabet qui porte son nom.
[^eschyle_agamemnon_1872]: Eschyle, Agamemnôn, sous la dir. de A. Lemerre, trad. Leconte de Lisle, 1872. <https://fr.wikisource.org/wiki/Agamemnôn_(Eschyle,_Leconte_de_Lisle)#161>
[^contributeurs_wikipedia_noroshi-jutsu_2020]: Contributeurs Wikipédia. « Noroshi-Jutsu », Wikipédia, mars 2020. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Noroshi-Jutsu&oldid=168441843>
[^lange_dom_2019]: André Lange. « Dom Gauthey Histoire de la télévision (site édité par André Lange) », Histv, 2019. <https://www.histv.net/dom-gauthey>
[^bentham]:
Jeremy Bentham (1748 - 1832) était un philosophe et jurisconsulte
britannique. Il porte des idées résolument modernes, telles que l'égalité
des sexes, le droit des animaux, l'abolition de l'esclavage et de la peine
de mort, et à qui l'on doit notamment le panoptique, un modèle architectural
initialement carcéral où l'observateur se trouve au coeur du lieu observé.
Voir André Lange, « Jeremy Bentham », Histv, 2019. <https://www.histv.net/jeremy-bentham>
Le télégraphe Chappe[^contributeurs_wikipedia_telegraphe_2020], bien
qu'essentiellement français, s'étendait, à la fin de sa vie, sur un réseau de
plus de cinq mille kilomètres, tant vers la Belgique que l'Allemagne et
l'Italie. En 1871, le réseau de télégraphes électriques s'étend de la Californie
à Hong-Kong et l'Australie, en passant, bien sûr, par l'Europe. Le monde est
alors doté d'un système de communications commun, dont les techniques
constitueront les bases des réseaux modernes, dont le téléphone, la radio, la
télévision, et enfin, Internet.
[^contributeurs_wikipedia_telegraphe_2020]: Contributeurs Wikipédia. « Télégraphe Chappe », Wikipédia, décembre 2020. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Télégraphe_Chappe?oldid=178037647>
Pourtant, malgré la globalité de nos réseaux de communications, nous faisons
toujours face à de nombreux problèmes. Par exemple, certaines sociétés humaines
n'y ont toujours pas accès. Il se peut que ce soit par choix : certains peuples
sud-américains, africains, insulaires ou toute autre société aussi réduite ou
large soit-elle peut avoir fait le choix de conserver un mode de vie indépendant
des technologies de communications modernes, ils n'en sont pas moins humains,
_Homo sapiens_, comme les peuples occidentaux auto-proclamés "riches" et
"civilisés". Nous ne pourrons pas nous prétendre une espèce avancée tant que
nous n'aurons pas établi une communication permanente, mutuellement avantageuse
et non commerciale avec ces sociétés "isolées". La communication n'est pas
qu'une affaire technique, c'est aussi une affaire d'inclusion, et jusqu'à
présent, nous ne nous sommes pas montrés très coopératifs avec ces sociétés que
nous considérons comme sous-évoluées, même encore de nos jours, et même si nous
contribuons moins activement à leur disparition, du moins à certaines d'entre
elles. Elles auraient pourtant tant à nous apprendre !
Un autre problème de la globalisation et de la rapidité de nos moyens de
communications modernes est qu'ils ont révélé, placé devant la face
du monde notre haine des autres. Politique, religion, orientation ou identité
sexuelle, intelligence, naïveté, ethnie, richesse, pauvreté : pour chaque idée
que l'Homme peut formuler, pour chaque trait qui le caractérise, il sera
confronté à la haine. Les réseaux de communication ont certes contribué à notre
évolution en permettant le partage de la connaissance, mais ils ont également
contribué à la mise en lumière de certaines parties de nous-mêmes qui auraient
dues rester dans l'ombre. Peut-être qu'après tout, nous ne sommes pas une espèce
aussi sociale que ce qu'on prétend...

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date: "2023-08-10"
dossier: ["L'Humain, cette espèce primitive"]
title: La génétique sociale
weight: 18
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Il nous plaît de prétendre que l'une des caractéristiques qui nous différencient
fondamentalement de l'Animal est l'étendue de nos interactions sociales, au
point de l'avoir érigée au rang de sciences : les sciences sociales,
essentiellement focalisées sur l'Humain. Si je ne suis pas toujours d'accord
avec leurs conclusions (ni même, parfois, leurs hypothèses), il n'en reste pas
moins que les sciences sociales, avec à leur sommet l'éthologie[^contributeurs_wikipedia_ethologie_2021], sont riches et passionnantes, au
point qu'il me sera difficile d'en produire un résumé sans passer sous silence
certains points qui paraîtront pourtant essentiels aux plus érudits dans les
domaines concernés, d'autant que ce sont des sujets qui passionnent et divisent,
parfois abruptement.
[^contributeurs_wikipedia_ethologie_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Éthologie », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Éthologie?oldid=179024192>
L'éthologie, donc, est l'étude des comportements des espèces Animales, y compris
l'Homme. Bien que le terme soit récent (Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en
propose la définition en 1854), c'est encore Aristote qui fut probablement l'un
des premiers à mentionner le comportement Animal dans la même série de livres
que dans laquelle il présente sa classification des espèces, ce que fera
également Buffon plus de deux mille ans plus tard dans son _Histoire Naturelle_.
Mais c'est grâce à la théorie darwinienne (de l'évolution) que l'éthologie
connaît son essor.
Bien que ce fut Lamarck qui introduisit la théorie transformiste en 1809, la
théorie de Darwin, évolutionniste, était antitéléologique (sans finalité
pré-déterminée), fortuitiste (opportuniste ?), et matérialiste[^contributeurs_wikipedia_transformisme_2021]. Les deux scientifiques théorisent
l'évolution des espèces, mais divergent sur la question de la finalité, qui peut
être résumée à :
> Chez Lamarck : la fonction crée l'organe.
> Chez Darwin : l'organe crée la fonction.[^shmikkki_retour_2015]
[^contributeurs_wikipedia_transformisme_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Transformisme (biologie) », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Transformisme_(biologie)&oldid=178592588>
[^shmikkki_retour_2015]: Shmikkki. « Le retour du Lamarckisme ? », Forums Futura, juillet 2015. <https://forums.futura-sciences.com/biologie/700335-retour-lamarckisme.html>
À l'idée que les caractères acquis sont héréditaires Darwin associe le principe
de sélection naturelle.
Les travaux sur l'éthologie de Konrad Lorenz, Nikolaas Tinbergen et Karl von
Frisch vont mettre en évidence la coexistence de caractères innés et de
caractères acquis chez les Animaux, et recevront pour cela le Prix Nobel de
physiologie en 1973. Ils concilient l'hérédité de certains comportements sociaux
des Animaux formulée par Lamarck, donc inscrits dans le patrimoine génétique,
avec l'acquisition de nouveaux traits qui sont ensuite "stockés" dans le
patrimoine génétique pour être transmis à la génération suivante, conformément à
la théorie de l'évolution de Darwin.
La génétique des comportements sociaux étudie depuis une vingtaine d'années la
corrélation entre l'expression de certains gènes et le comportement de l'Animal
concerné. Ces recherches concernent en particulier l'abeille _Apis mellifera_.
Elles sont menées par le _Honey Bee Genome Sequencing Consortium_ au sein de
l'Université de l'Illinois aux États-Unis depuis 2001, et dirigées par Gene Ezia
Robinson. Son équipe a fini par démontrer comment certains gènes (ou leurs
allèles, leurs variantes) pouvaient influencer le rôle de chaque abeille dans sa
ruche[^ben-shahar_influence_2002]: si un allèle particulier s'exprime, l'abeille
sera plutôt une ouvrière, ou plutôt une butineuse. Autrement dit, et de façon
assez vulgarisatrice, le rang social d'une abeille au sein d'une ruche est
potentiellement déterminé par ses gènes.
[^ben-shahar_influence_2002]: Y. Ben-Shahar et al. « Influence of Gene Action Across Different Time Scales on Behavior », Science 296 (avril 2002) : 74144. <https://doi.org/10.1126/science.1069911>
On peut donc supposer que nos comportements sociaux modernes résulteraient de
l'addition des comportements hérités de _H. neanderthalensis_ (mais aussi des
autres espèces qui lui étaient contemporaines, et de leurs prédécesseurs) et des
comportements acquis depuis, liés à l'augmentation de notre population, à nos
relations avec les autres espèces du genre _Homo_, à notre sédentarité, à
l'opulence que nous avons créé, et encore à bien d'autres choses.
---
Au même titre que la morphologie des individus, la longueur des pattes, la
forme des griffes, la couleur du pelage, le nombre de doigts, etc., les
caractères sociaux (et, par extension, psychologiques en général) seraient donc
stockés dans le génome de l'espèce. C'est l'objet de la psychologie
évolutionniste, dont Lorenz, Tinbergen et von Frisch sont les pionniers.
Imaginez un graphique, avec une ligne horizontale (l'abscisse), et une ligne
verticale par caractéristique génétique. Chaque individu serait représenté par
une série de points, un par axe vertical, situés plus ou moins loin de
l'abscisse en fonction de la "valeur" de la caractéristique considérée
(c'est-à-dire, en fonction de l'allèle dominant). Par exemple, un individu ayant
une voix grave verrait son "curseur" correspondant à la tessiture de la voix
plutôt vers le bas du graphique, en dessous de l'axe de l'abscisse. À l'opposé,
si le point était plutôt au-dessus de l'abscisse, on en déduirait que sa voix
est plutôt claire. Et si l'on pouvait le faire pour chaque gène et pour chaque
allèle, y compris ceux déterminant les caractéristiques sociales de chaque
individu, peu importe l'espèce ? À chaque nouvelle génération, on verrait
apparaître de nouvelles lignes verticales, correspondant aux caractères acquis
par la génération précédente, et intégrée au patrimoine génétique de la
génération suivante. Je trouve que c'est un système élégant pour visualiser le
patrimoine génomique d'un individu, et pourrait peut-être servir à des fins de
comparaison, entre individus, entre sociétés, entre espèces, et nous permettrait
peut-être de mieux comprendre l'évolution des caractères, sociaux ou non, sans
distinctions entre espèces.

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date: "2023-08-10"
dossier: ["L'Humain, cette espèce primitive"]
title: Un primitivisme social
weight: 17
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> En effet, le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas, je le fais.
>
> --- Paul de Tarse. « Paul de Tarse, Épître aux Romains », dans Bible (Paris : Desclée., 1923), . <https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Crampon_1923/Romains#Bible_Crampon_1923/RomainsCH07>

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date: "2023-08-17"
dossier: ["L'Humain, cette espèce primitive"]
title: La surpopulation
weight: 19
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Il est malheureusement impossible de déterminer avec certitude l'étendue des
rapports sociaux que pouvaient entretenir nos ancêtres, quelle que soit leur
espèce et quelles que soient les espèces avec lesquelles ils avaient ces
interactions, tant que nous n'avons pas accès à leur génome, et que nous n'avons
pas identifié avec certitude le lien entre génome et comportements sociaux.
Or, nos comportements sociaux peuvent parfois être dangereux, une expression de
malveillance, de sexisme, de racisme, de ségrégation, d'ostracisme, peu importe
de quoi l'Autre est considéré comme une minorité. Notre conformisme est en
totale opposition avec la diversité de nos cultures, et est, paradoxalement, une
des sources de nos divergences. Nous ne sommes toujours pas parvenus à être
inclusifs, pas à l'échelle de notre espèce, et encore moins à l'échelle des
autres. Pourquoi ? Doit-on supposer que le rejet de l'autre est une
caractéristique innée, donc héritée de _H. neanderthalensis_, _H. denisovensis_,
_H. erectus_ ? Ou est-ce plutôt une caractéristique acquise, peut-être due à
notre surpopulation, et visant à restaurer un équilibre ? À la mutation
inappropriée d'un gène ? Impossible, pour le moment, de répondre avec certitude
à cette question. Mais en fait, peu importe l'origine de notre malveillance :
elle existe, et elle est une preuve de notre primitivisme. Et c'est en soi
également paradoxal : si nous étions primitifs, nous n'accorderions aucun intérêt
aux notions de Bien et de Mal: nous vivrions simplement nos vies, sans
interférer avec les autres dans un autre but que de pérenniser l'espèce, ce dont
nous a privé la surpopulation.
Notre population, stable pendant très longtemps, s'est subitement accrue entre
six mille et quatre mille ans avant J.-C., concomitamment à l'apparition de
l'agriculture, puis du commerce, pour continuer de croître de façon
exponentielle depuis. Nous sommes ainsi passés d'une population mondiale estimée
inférieure à dix millions d'individus il y a douze mille ans, vingt millions il
y a cinq mille ans, puis deux cent millions au III<sup>ème</sup> siècle. Cette croissance
s'est accompagnée de changements profonds dans nos interactions sociales. Ayant
appartenu autrefois à des groupes nomades de taille limitée à une cinquantaine
d'individus, nous nous rassemblions désormais dans des cités peuplées de
dizaines de milliers d'habitants[^population]. Les règles de vie ont changé, et
ce d'autant plus que le commerce a créé ou révélé les inégalités entre les
Hommes, faisant naître l'esclavage et la notion de "statut social". Car avec
le commerce vint la possibilité de s'enrichir, de posséder plus que les autres,
afin d'avoir un pouvoir sur eux. Cela a probablement exacerbé la jalousie, le
sentiment d'injustice, ou au contraire de puissance, parfois jusqu'à y chercher
une légitimité irrationnelle, et d'autres sentiments qui n'étaient peut-être
jusque là qu'enfouis dans nos pensées.
[^population]:
On estime que Rome comptait trente mille habitants au VI<sup>ème</sup> siècle av.
J.-C., et cent quatre-vingt sept mille trois cents ans plus tard.
Voir Contributeurs Wikipédia, « Rome », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Rome?oldid=179070981#Démographie>
En outre, il faut prendre en compte les capacités intellectuelles requises aux
interactions sociales. Robin Dunbar, anthropologue britannique né en 1947, a
publié en 1992 une étude[^dunbar_coevolution_1993] comparant la taille du
néocortex de différents primates et la compare au nombre d'individus de leurs
groupes respectifs: le nombre de Dunbar[^contributeurs_wikipedia_nombre_2018],
qu'il estime à cent cinquante pour l'humain. C'est le nombre maximal de
relations sociales stables qu'il peut entretenir, une taille bien supérieure à
celle des groupes de chasseurs-cueilleurs, mais largement inférieure à la
population des premières cités antiques. Un nombre corroboré par des études
ultérieures menées sur Twitter[^goncalves_validation_2011] et Facebook
[^abc_science_150_2016], ce qui tend à prouver que nous ne sommes pas faits (au
sens littéral du terme) pour nous regrouper en sociétés de plusieurs dizaines de
millions d'individus...
[^dunbar_coevolution_1993]: R. I. M. Dunbar. « Coevolution of neocortical size, group size and language in humans », Behavioral and Brain Sciences 16, nᵒ 4 (décembre 1993) : 68194. <https://doi.org/10.1017/S0140525X00032325>
[^contributeurs_wikipedia_nombre_2018]: Contributeurs Wikipédia. « Nombre de Dunbar », Wikipédia, février 2018. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Nombre_de_Dunbar&oldid=145402588>
[^goncalves_validation_2011]: Bruno Goncalves, Nicola Perra, et Alessandro Vespignani. « Validation of Dunbars number in Twitter conversations », PLoS ONE 6, nᵒ 8 (août 2011) : e22656. <https://doi.org/10.1371/journal.pone.0022656>
[^abc_science_150_2016]: ABC Science. « 150 is the limit of real friends on Facebook », janvier 2016. <https://www.abc.net.au/news/science/2016-01-20/150-is-the-limit-of-real-facebook-friends/7101588>
Parallèlement au commerce, la politique s'est également développée. Outil
destiné à gérer de larges populations d'individus quand les sociétés basées sur
le lignage (l'autorité aux aînés des groupes) n'étaient plus suffisantes, la
politique devait permettre d'assurer la cohésion des premières villes, créant de
facto les premières inégalités sociales. Avec notre développement urbain, nous
avons donné naissance à d'innombrables courants de pensées différents. Les
villes et ce qu'elles offraient comme possibilités de communications (écrites ou
orales) et de transports (terrestres et maritimes) ont permis à ces courants
d'être largement diffusés. Cela permis, certes, l'accroissement global de la
culture et de la connaissance, mais généra également des situations
conflictuelles, menant parfois à la ségrégation. La pléthore d'idées que
l'Humain était capable de générer commençait son travail de division
destructrice. L'imposition du christianisme sous Justinien n'est qu'un exemple
parmi d'autres. Ainsi, au fil du temps, nous avons utilisé différentes idées
pour justifier le conflit: de la discrimination de genre au harcèlement sexuel,
du refus de location immobilière à la ségrégation raciale d'État, allant parfois
jusqu'au génocide ou à la guerre mondiale.
Nous étions une espèce sociale, jusqu'au jour où nous avons fondé la société
humaine. Au Moyen-Âge, l'altruisme était une qualité distinguant une caste parmi
les autres (les chevaliers), alors qu'elle était appelée, au moins depuis _H. neanderthalensis_, à devenir la norme. Depuis le développement du christianisme,
les sciences muselées par la religion étaient principalement dirigées vers la
guerre, anti-sociale par essence. La surpopulation, autrefois localisée
et promptement résolue[^contributeurs_wikipedia_surpopulation_2021] (par la
migration ou la famine) est devenue généralisée et durable, et nous a
déshumanisé, en plus de nous mener à des catastrophes malthusiennes[^malthus]
appelées à se répéter de plus en plus fréquemment, et déjà anticipées par...
Aristote dans _La Politique_[^aristote_politique_1824] au IV<sup>ème</sup> siècle av.
J.-C., et rappelées notamment par le rapport _Meadows_, _Les Limites à la croissance_[^meadows_limits_nodate], publié en 1972.
[^contributeurs_wikipedia_surpopulation_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Surpopulation », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Surpopulation&oldid=178789022>
[^malthus]:
Une catastrophe malthusienne, de l'économiste Thomas Robert Malthus
(1766 - 1834), évoque l'effondrement systémique d'une société à cause du
déséquilibre entre sa population et ses capacités à la soutenir.
L'effondrement de lÎle de Pâques pourrait être un exemple de catastrophe
malthusienne survenue chez l'Homme.
[^aristote_politique_1824]: Aristote, La Politique, trad. Jean-François Thurot (Paris : Didot, 1824). <https://fr.wikisource.org/wiki/La_Politique/Traduction_Jean-François_Thurot/Texte_entier>
[^meadows_limits_nodate]: Donella H. Meadows et al. « The Limits to Growth: A Report for the Club of Romes Project on the Predicament of Mankind », _Issuu_ consulté le 25 janvier 2021. <https://issuu.com/dartmouth_college_library/docs/the_limits_to_growth/1>
Notre expansion sans limites a fini par nous isoler dans nos cultures
respectives: peuplant un monde trop vaste pour maintenir des échanges sociaux,
nous nous sommes contentés d'échanges commerciaux, et ce n'est qu'avec l'aide de
technologies de communications modernes, telles qu'Internet, que nous avons pu
reprendre des interactions sociales complexes. Elles se sont malheureusement
assorties de nos travers les plus sombres, et ont contribué à une propagation
facile, rapide et illimitée de notre haine des autres, prouvant sans effort
notre primitivisme.
Enfin, malgré ces nouvelles technologies, nous n'avons toujours pas de
gouvernement mondial, alors que nous avons colonisé la planète entière, et que
nous commençons notre colonisation de l'espace. Qui pour nous représenter durant
l'hypothétique entretien avec la première civilisation extraterrestre sinon la
première de nos nations qui y parviendra ? Voulons-nous, de but-en-blanc, nous
présenter comme une civilisation divisée, désunie ? Nous serons socialement
primitifs tant que nous n'aurons pas résolu nos problèmes sociaux internes, pour
ensuite créer une entité mondiale capable de nous représenter à l'échelle
planétaire. Et quand nous aurons établi un premier contact, nous devrons faire
de même à l'échelon supérieur: nous devons considérer que nous sommes une
civilisation isolée d'une pluralité d'autres civilisations, et que notre avancée
en tant que telle se situe dans un spectre très large au sein duquel nous ne pouvons prétendre nous différencier. Par ailleurs, il n'y a pas que nous, humains, sur
Terre : nous sommes ses invités, comme le sont les Animaux.
Nous avons encore un long chemin à parcourir pour prétendre être réellement
évolués, à commencer par notre unification qui ne pourra passer que par une
évolution de nos communications et des aspects sociaux qu'elles impliquent.

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date: "2023-08-24"
dossier: ["L'Humain, cette espèce primitive"]
title: Du mauvais usage de la technologie
weight: 20
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Nous avons vu que les technologies de communications, dont Internet forme la
branche la plus récente, a fortement contribué à augmenter nos relations
sociales, mais aussi qu'elles ont révélés nos défaillances dans notre rapport à
l'Autre. C'est un peu plus compliqué en réalité : ces défaillances ont
probablement toujours existé, mais elles ne s'exprimaient pas, ou avec moins de
vigueur et d'envergure parce que cela n'était pas "nécessaire" ni/ou
"techniquement" possible. Quand notre population était limitée, nous n'avions
pas vraiment de raisons de nous attaquer aux autres : les ressources étaient
abondantes, l'espace ne manquait pas, il n'y avait pas de compétition entre
individus ou entre groupes[^warfare]. L'organisation des premiers regroupement
d'humains laisse à penser qu'il n'y avait même pas de compétition hiérarchique :
les "proto-sociétés" étaient lignagères, c'est-à-dire que les aînés disposaient
d'une autorité naturelle. Mais avec l'accroissement de la population, et
l'apparition du commerce, nous avons créé une compétition que nous avons cultivé
au fil des siècles. Les communications modernes ne font donc qu'accorder une
plus grande visibilité à une réalité qui existe depuis longtemps, et permettent
de se rendre compte de son amplitude.
[^warfare]:
On a prouvé en 2013 que les conflits au sein des peuples "primitifs"
étaient essentiellement causés par la recherche d'un partenaire sexuel - ce
qui est probablement commun à toutes les espèces sexuées - ou par des
querelles interpersonnelles.
Voir Kerry Sheridan, « Warfare was uncommon among hunter-gatherers: study », juillet 2013. <https://phys.org/news/2013-07-warfare-uncommon-hunter-gatherers.html>
J'ai moi-même cru pendant longtemps qu'Internet permettrait un partage libre,
illimité, universel de la culture et de la science, et permettrait d'augmenter
positivement nos relations sociales, qu'on se regrouperait en communautés qui
partagent les mêmes centres d'intérêts, et même, qu'il contribuerait à amener la
paix dans le monde. Malheureusement, dans les faits, j'ai dû réviser mon
enthousiasme : nous avons dû inventer des Licences Libres pour partager la
culture (leur variété-même qui, là encore, justifierait l'écriture d'un livre
entier, montre les désaccords pouvant survenir sur la question de la liberté
d'usage de la culture), la science est soumise au droit d'auteur, et la violence
présente sur Internet est inédite en cela qu'elle est visible à tous.
Je pense que pour se prétendre une espèce évoluée, l'Humain doit impérativement
se résoudre à rendre la culture et la science libres, gratuites, accessibles à
tous, sans restrictions d'aucun ordre : ni sociales, ni académiques, ni
ethniques, ni religieuses, ni financières. Les notions d'espionnage industriel,
de brevet, ne devraient pas exister : elles empêchent le progrès. Je crois en la
valeur de la publication qui, seule, doit prouver la paternité d'une œuvre,
culturelle ou scientifique. On soupçonne encore aujourd'hui que ce n'est qu'à
cause d'un brevet déposé, au bon moment de surcroît, que la paternité du
téléphone est attribuée à Alexander Graham Bell
[^contributeurs_wikipedia_controverse_2019]. De plus, c'est l'expiration du
brevet déposé par Bell qui permit l'essor de l'industrie et du commerce du
téléphone acoustique. Je ne perds toutefois pas l'espoir que nous finissions par
nous rendre compte de leur inutilité.
[^contributeurs_wikipedia_controverse_2019]: Contributeurs Wikipédia. « Controverse Gray et Bell sur linvention du téléphone », Wikipédia, novembre 2019. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_Gray_et_Bell_sur_l'invention_du_téléphone?oldid=164875081>
Dans notre société capitaliste, les brevets permettent de gagner de l'argent, et
donc contribuent à un enrichissement égoïste, alors que notre espèce dans son
ensemble devrait bénéficier de toute découverte scientifique ou de toute
création culturelle. La commercialisation de la culture et de la science ne
profite qu'à leurs auteurs, alors que ces disciplines profiteraient à tous. La
civilisation humaine ne peut évoluer qu'à la condition de s'affranchir de ces
viles considérations pécuniaires. Le commerce est né il y a six mille ans au
moins : il est plus que temps de le reléguer à rien de plus qu'un élément -
certes, fondateur - de notre histoire, qui permit l'essor de certaines
civilisations, mais qui fut aussi la source de nos plus grands malheurs, pour
donner naissance à une forme de société évoluée dont la richesse ne se mesure
plus à son économie mais à sa culture et à sa science. Comme la religion en son
temps, le commerce fait aujourd'hui partie des obstacles à l'avancée de notre
espèce, et nous empêche de progresser à un rythme plus soutenu. Bien des
problèmes pourraient déjà avoir été corrigés si nous avions permis à tous de
contribuer, et si leurs contributions avaient été mises à la disposition de
tous.
Car un autre grand malheur de notre temps est de demander aux sciences de
résoudre nos problèmes sociaux. Demander aux hébergeurs de sites Internet de
filtrer la haine, le harcèlement, le racisme dans leurs outils, ou empêcher
pro-activement la diffusion de certains types de contenus, ou leur demander de
mettre hors-ligne des contenus sous protection intellectuelle, c'est demander
une solution technique à des problèmes sociaux. Des problèmes qui gangrènent
notre société depuis bien avant Internet et les réseaux sociaux. Des problèmes
dont on a jamais su se débarrasser, et qu'on cherche simplement à masquer des
moyens de communication modernes. Nous ne résoudrons pas ces problèmes par des
moyens techniques, de même que l'aspirine ne soigne pas du mal de tête : elle ne
fait que masquer un symptôme de quelque chose de potentiellement plus profond.
La technologie ne viendra pas à la rescousse de nos problèmes de discriminations
et de haine de l'Autre. Seule une solution sociale pourra résoudre un problème
social, et une telle solution sera seule garante de notre évolution.
Nous devrons pour cela nous affranchir de l'argent, de l'économie. Considérant
notre enracinement dans le capitalisme, cela risque de prendre du temps, alors
que c'est une discipline jeune, même si les théories sur son origine divergent :
certains comme l'économiste allemand Werner Sombart (1863 - 1941), pensent que
le capitalisme est né au Moyen-Âge[^contributeurs_wikipedia_werner_2021].
D'autre, dont je fais partie, pensent que ce sont les Compagnies des Indes, à
partir du XVI<sup>ème</sup> siècle, qui en sont à l'origine. Un dogme aussi puissant n'a
pu, selon moi, être imposé qu'avec la force et la détermination martiale. Car
les Compagnies des Indes étaient des flottes marchandes militarisées, tacitement
autorisées à faire feu sur l'ennemi. Elles permirent un commerce mondial, mais
où chaque pays devait faire preuve d'inflexibilité avec ses concurrents. Le
commerce et la guerre devenaient indissociables, et imposaient des restrictions
arbitraires, forçaient le monde à jouer selon des règles drastiques, absurdes,
artificielles. En cela, j'aime assez la vision romantique du film _Pirates des
Caraïbes_ de Disney : elle tranche avec la vision traditionnelle du pirate
sanguinaire, qui devient victime ostracisée, répudiée, parfois corrompue par les
pouvoirs de l'époque. Ne croyez pas que je prenne ce film comme une preuve de ce
que j'avance : je ne fais que mentionner l'existence d'une vision du sujet
diamétralement opposée à la vision populaire antérieure à lœuvre, où, pour une
fois, on nous montre la société capitaliste comme la source du Mal, et les
"pirates" comme des victimes. Notez d'ailleurs que le film est édité par Disney,
qui n'est pas une entreprise de charité.
[^contributeurs_wikipedia_werner_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Werner Sombart », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Werner_Sombart&oldid=178734592>
Les dérives liées au commerce et aux communications sont encore visibles lors de
l'utilisation du télégraphe Chappe: son inventeur, Claude Chappe, se serait jeté
dans un puits de son hôtel en 1805[^contributeurs_wikipedia_claude_2021] parce
que Napoléon Bonaparte voulait réduire les crédits destinés à la construction
des télégraphes et leur mise en service (ce qu'il ne fit pas, finalement ; au
lieu de cela, il étendit le réseau). Puis, au cours de la Révolution de Juillet
en 1830, l'État prit agressivement possession du réseau qui appartenait encore
à la famille Chappe. Enfin, à partir de 1832, les frères Michel
[^contributeurs_wikipedia_michel_2017] et François Blanc, frères financiers et
probablement les premiers pirates de réseaux de communication de l'histoire de
France[^contributeurs_wikipedia_piratage_2021], détournèrent l'usage des
télégraphes pour commettre un délit d'initié : ils obtinrent de cette façon des
informations relatives à la Bourse avant tout le monde. Capitalisme et
malveillance vont toujours de pair aujourd'hui encore.
[^contributeurs_wikipedia_claude_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Claude Chappe », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Claude_Chappe&oldid=178782711>
[^contributeurs_wikipedia_michel_2017]: Contributeurs Wikipédia. « Michel Blanc (financier) », Wikipédia, juillet 2017. <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Michel_Blanc_(financier)&oldid=138882628>
[^contributeurs_wikipedia_piratage_2021]: Contributeurs Wikipédia. « Piratage du télégraphe Chappe », Wikipédia, janvier 2021. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Piratage_du_télégraphe_Chappe?oldid=178285038>
Si l'on supprimait l'argent, le capitalisme, la bourse, l'héritage financier, et
tous ces processus typiquement humains (qu'on ne retrouve nulle part ailleurs
dans le monde), cela nous conduirait forcément à supprimer une grande partie de
nos problèmes sociaux, puisque nous supprimerions de fait nos inégalités
sociales : en l'absence d'argent, nous serions tous égaux, comme le veux le
slogan martelé sans relâche par le Conseil de l'Europe depuis 1995[^coe]. En
l'absence d'inégalités sociales, nous aurions toujours des raisons pour haïr
l'Autre, mais au moins elles ne concerneraient plus le plus puissant des outils
de clivage inventés par l'Homme avec la religion.
[^coe]: <https://www.coe.int/fr/web/compass/45>
La première étape vers un tel changement de paradigme consisterait en
l'établissement d'un revenu universel. Quelques temps après, nous nous
figurerons que l'argent n'est pas - ou plus - la motivation des individus pour
travailler. Il ne fait aucun doute que certains profiterons de ce système pour
"ne rien faire", au moins au début (ils seront probablement rapidement rongés
par la lassitude), mais pour d'autres, cela peut représenter des opportunités
inespérées d'accomplir des choses que la société actuelle leur refuse. Un simple
passionné de sciences pourrait contribuer à son domaine, juste parce qu'il en
est passionné, et affranchi de l'obligation de posséder des diplômes pour ce
faire. Nous pourrions résoudre les crises liées au logement, si chacun était en
mesure de bâtir une maison sans risquer d'y laisser la vie. On pourrait avoir
une existence sociale, non plus caractérisée par notre rang, mais par ce qu'on
apporte à la société. Nous serions tous acteurs de la réussite de l'espèce
humaine, au lieu de n'être que des "employés", voire encore des esclaves, dans
des métiers qui ne nous passionnent pas, à des postes sans rapports avec nos
compétences réelles, et pour des entreprises dans lesquelles nous ne nous
investissons plus. Supprimer la notion de ressources ferait (ré)apparaître la
notion de valeur personnelle, ce qui permettrait aux individus de sentir plus
heureux, et pourrait contribuer significativement à améliorer leurs relations
avec les autres, voire augmenter le nombre de Dunbar de _Homo sapiens_, et
éventuellement, améliorerait l'espèce culturellement, scientifiquement et
socialement.
On retrouve un problème similaire directement au sein des domaines techniques.
Les dogmes sociaux tels que notre impact sur l'environnement incitent nos
gouvernements, partout sur Terre, à demander une solution technologique à un
problème réellement social. Les sciences nous ont doté d'outils fondamentalement
polluants : les usines, les voitures, les avions, les manufactures. Nous
pourrions avoir un usage raisonné de nos véhicules, nous pourrions disposer de
moyens de locomotion, de production de l'énergie, de manufacture qui n'altèrent
pas la biosphère terrestre. Nous ne les mettons pas en œuvre parce qu'ils
coûtent chers, que la désinformation - par la politique, mais aussi par les
croyances populaires - nous ancre dans des craintes infondées, et parce que nous
sommes fainéants. Des problèmes... économiques et sociaux, pas technologiques.
Supprimons l'économie, résolvons nos problèmes sociaux, pour permettre à la
science de continuer ses recherche sur la production d'énergie et la création de
manufactures sans impact environnemental. Et tâchons de retrouver notre bon
sens, celui qui nous permettait de vivre à une vitesse normale, avant
l'avènement des réseaux de communication rapides et longue-distance. Si les gens
avaient un revenu universel, ils travailleraient pour eux, plus pour les autres,
et n'auraient plus besoin de se déplacer autant, et donc verraient leur
empreinte environnementale réduite, voire supprimée. Les entreprises pourraient
compter sur une main dœuvre peuplée d'activistes impliqués et passionnés, plus
sur de simples employés. Littéralement tout le monde aurait à gagner à la
résolution de ces problèmes sociaux, y compris la biosphère, c'est-à-dire
l'ensemble des espèces vivantes avec lesquelles on partage cette planète, mais
cela faciliterait également notre premier contact avec une civilisation
extraterrestre, Saint-Graal de l'astronomie. Une telle découverte nous mettrait,
une fois pour toutes, face à l'évidence de notre primitivisme, et pourrait tout
à la fois nous en sauver ou au contraire causer notre extinction.