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## La surpopulation
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Il est malheureusement impossible de déterminer avec certitude l'étendue des
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rapports sociaux que pouvaient entretenir nos ancêtres, quelle que soit leur
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espèce et quelles que soient les espèces avec lesquelles ils avaient ces
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interactions, tant que nous n'avons pas accès à leur génome, et que nous n'avons
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pas identifié avec certitude le lien entre génome et comportements sociaux.
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Or, nos comportements sociaux peuvent parfois être dangereux, une expression de
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malveillance, de sexisme, de racisme, de ségrégation, d'ostracisme, peu importe
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de quoi l'Autre est considéré comme une minorité. Notre conformisme est en
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totale opposition avec la diversité de nos cultures, et est, paradoxalement, une
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des sources de nos divergences. Nous ne sommes toujours pas parvenus à être
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inclusifs, pas à l'échelle de notre espèce, et encore moins à l'échelle des
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autres. Pourquoi ? Doit-on supposer que le rejet de l'autre est une
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caractéristique innée, donc héritée de _H. neanderthalensis_, _H. denisovensis_,
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_H. erectus_ ? Ou est-ce plutôt une caractéristique acquise, peut-être due à
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notre surpopulation, et visant à restaurer un équilibre ? À la mutation
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inappropriée d'un gène ? Impossible, pour le moment, de répondre avec certitude
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à cette question. Mais en fait, peu importe l'origine de notre malveillance :
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elle existe, et elle est une preuve de notre primitivisme. Et c'est en soi
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également paradoxal : si nous étions primitifs, nous n'accorderions aucun intérêt
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aux notions de Bien et de Mal: nous vivrions simplement nos vies, sans
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interférer avec les autres dans un autre but que de pérenniser l'espèce, ce dont
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nous a privé la surpopulation.
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Notre population, stable pendant très longtemps, s'est subitement accrue entre
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six mille et quatre mille ans avant J.-C., concomitamment à l'apparition de
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l'agriculture, puis du commerce, pour continuer de croître de façon
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exponentielle depuis. Nous sommes ainsi passés d'une population mondiale estimée
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inférieure à dix millions d'individus il y a douze mille ans, vingt millions il
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y a cinq mille ans, puis deux cent millions au III^ème^ siècle. Cette croissance
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s'est accompagnée de changements profonds dans nos interactions sociales. Ayant
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appartenu autrefois à des groupes nomades de taille limitée à une cinquantaine
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d'individus, nous nous rassemblions désormais dans des cités peuplées de
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dizaines de milliers d'habitants[^population]. Les règles de vie ont changé, et
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ce d'autant plus que le commerce a créé ou révélé les inégalités entre les
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Hommes, faisant naître l'esclavage et la notion de "statut social". Car avec
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le commerce vint la possibilité de s'enrichir, de posséder plus que les autres,
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afin d'avoir un pouvoir sur eux. Cela a probablement exacerbé la jalousie, le
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sentiment d'injustice, ou au contraire de puissance, parfois jusqu'à y chercher
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une légitimité irrationnelle, et d'autres sentiments qui n'étaient peut-être
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jusque là qu'enfouis dans nos pensées.
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[^population]:
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    On estime que Rome comptait trente mille habitants au VI^ème^ siècle av.
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    J.-C., et cent quatre-vingt sept mille trois cents ans plus tard.
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    Voir @contributeurs_wikipedia_rome_2021
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En outre, il faut prendre en compte les capacités intellectuelles requises aux
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interactions sociales. Robin Dunbar, anthropologue britannique né en 1947, a
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publié en 1992 une étude[@dunbar_coevolution_1993] comparant la taille du
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néocortex de différents primates et la compare au nombre d'individus de leurs
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groupes respectifs: le nombre de Dunbar[@contributeurs_wikipedia_nombre_2018],
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qu'il estime à cent cinquante pour l'humain. C'est le nombre maximal de
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relations sociales stables qu'il peut entretenir, une taille bien supérieure à
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celle des groupes de chasseurs-cueilleurs, mais largement inférieure à la
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population des premières cités antiques. Un nombre corroboré par des études
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ultérieures menées sur Twitter[@goncalves_validation_2011] et Facebook
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						||
[@abc_science_150_2016], ce qui tend à prouver que nous ne sommes pas faits (au
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sens littéral du terme) pour nous regrouper en sociétés de plusieurs dizaines de
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millions d'individus...
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Parallèlement au commerce, la politique s'est également développée. Outil
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destiné à gérer de larges populations d'individus quand les sociétés basées sur
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le lignage (l'autorité aux aînés des groupes) n'étaient plus suffisantes, la
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politique devait permettre d'assurer la cohésion des premières villes, créant de
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facto les premières inégalités sociales. Avec notre développement urbain, nous
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avons donné naissance à d'innombrables courants de pensées différents. Les
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villes et ce qu'elles offraient comme possibilités de communications (écrites ou
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orales) et de transports (terrestres et maritimes) ont permis à ces courants
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d'être largement diffusés. Cela permis, certes, l'accroissement global de la
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culture et de la connaissance, mais généra également des situations
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conflictuelles, menant parfois à la ségrégation. La pléthore d'idées que
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l'Humain était capable de générer commençait son travail de division
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destructrice. L'imposition du christianisme sous Justinien n'est qu'un exemple
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parmi d'autres. Ainsi, au fil du temps, nous avons utilisé différentes idées
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pour justifier le conflit: de la discrimination de genre au harcèlement sexuel,
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du refus de location immobilière à la ségrégation raciale d'État, allant parfois
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jusqu'au génocide ou à la guerre mondiale.
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Nous étions une espèce sociale, jusqu'au jour où nous avons fondé la société
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humaine. Au Moyen-Âge, l'altruisme était une qualité distinguant une caste parmi
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les autres (les chevaliers), alors qu'elle était appelée, au moins depuis _H.
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neanderthalensis_, à devenir la norme. Depuis le développement du christianisme,
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les sciences muselées par la religion étaient principalement dirigées vers la
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guerre, anti-sociale par essence. La surpopulation, autrefois localisée
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et promptement résolue[@contributeurs_wikipedia_surpopulation_2021] (par la
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migration ou la famine) est devenue généralisée et durable, et nous a
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déshumanisé, en plus de nous mener à des catastrophes malthusiennes[^malthus]
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appelées à se répéter de plus en plus fréquemment, et déjà anticipées par...
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Aristote dans _La Politique_[@aristote_politique_1824] au IV^ème^ siècle av.
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						||
J.-C., et rappelées notamment par le rapport _Meadows_, _Les Limites à la
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						||
croissance_[@meadows_limits_nodate], publié en 1972.
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						||
[^malthus]:
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    Une catastrophe malthusienne, de l'économiste Thomas Robert Malthus
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    (1766 - 1834), évoque l'effondrement systémique d'une société à cause du
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						||
    déséquilibre entre sa population et ses capacités à la soutenir.
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						||
    L'effondrement de l’Île de Pâques pourrait être un exemple de catastrophe
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						||
    malthusienne survenue chez l'Homme.
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						||
Notre expansion sans limites a fini par nous isoler dans nos cultures
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respectives: peuplant un monde trop vaste pour maintenir des échanges sociaux,
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nous nous sommes contentés d'échanges commerciaux, et ce n'est qu'avec l'aide de
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technologies de communications modernes, telles qu'Internet, que nous avons pu
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reprendre des interactions sociales complexes. Elles se sont malheureusement
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assorties de nos travers les plus sombres, et ont contribué à une propagation
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facile, rapide et illimitée de notre haine des autres, prouvant sans effort
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notre primitivisme.
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Enfin, malgré ces nouvelles technologies, nous n'avons toujours pas de
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gouvernement mondial, alors que nous avons colonisé la planète entière, et que
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nous commençons notre colonisation de l'espace. Qui pour nous représenter durant
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l'hypothétique entretien avec la première civilisation extraterrestre sinon la
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première de nos nations qui y parviendra ? Voulons-nous, de but-en-blanc, nous
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présenter comme une civilisation divisée, désunie ? Nous serons socialement
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primitifs tant que nous n'aurons pas résolu nos problèmes sociaux internes, pour
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ensuite créer une entité mondiale capable de nous représenter à l'échelle
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planétaire. Et quand nous aurons établi un premier contact, nous devrons faire
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de même à l'échelon supérieur: nous devons considérer que nous sommes une
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civilisation isolée d'une pluralité d'autres civilisations, et que notre avancée
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en tant que telle se situe dans un spectre très large au sein duquel nous ne pouvons prétendre nous différencier. Par ailleurs, il n'y a pas que nous, humains, sur
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Terre : nous sommes ses invités, comme le sont les Animaux.
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Nous avons encore un long chemin à parcourir pour prétendre être réellement
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évolués, à commencer par notre unification qui ne pourra passer que par une
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évolution de nos communications et des aspects sociaux qu'elles impliquent.
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