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## Vers une société astronomique
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Quand il s'agit d'entrer en communication avec une civilisation extraterrestre,
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je vois trois cas de figure.
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Soit c'est nous qui faisons le premier pas : nous nous présentons, de façon
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pacifique. C'est la démarche scientifique, inaugurée par les sondes Pioneer.
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Nous allons activement à la rencontre d'autres civilisations. C'est un fait
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scientifique depuis 1972. La fiction nous propose des histoires alternatives,
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où nous jouons un rôle plus actif dans l'exploration de l'univers, et où nous
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finissons par devenir les garants de la sécurité globale, y compris dans des
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conflits entre civilisations extraterrestres dans lesquels nous n'avions pas à
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prendre part.
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Soit une civilisation extraterrestre entre en contact avec nous. Comme il n'est
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pas prouvé que c'est déjà arrivé, nous ne pouvons que spéculer sur notre
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comportement face à une telle situation, et comme souvent, la fiction a déjà
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exploré ce domaine. D'ailleurs, Andrew Fraknoi de l'Université de San Francisco
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nous a proposé en 2019 une liste des histoires de science fiction traitant
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correctement de l'astronomie et de la physique[@fraknoi_science_2019]. Et on
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s'aperçoit que, statistiquement, les œuvres anticipant des rapports pacifiques
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avec une civilisation extraterrestre qui entrerait activement en contact avec
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nous sont plutôt rares. On les présente alors souvent comme une espèce qui a
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épuisé les ressources de sa planète d'origine, et malheureusement, la planète
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suivante dans sa liste est la notre. S'ensuit une lutte pour notre survie. Un
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thème qui pouvait sembler terrifiant pendant des dizaines d'années, mais qui
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aujourd'hui me semble éculé. Le chef d’œuvre du genre reste, selon moi, _La
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Guerre des Mondes_[@wells_guerre_1898], publié en 1898 par Herbert George Wells
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(1866 - 1946). Son analyse mériterait d'être beaucoup plus exhaustive, mais je
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vais me limiter à ce qui nous intéresse ici : nous luttons face à un envahisseur,
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comme des fourmis pourraient lutter contre la construction d'une maison humaine
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sur leur fourmilière (c'est d'ailleurs de cette façon que débute *Le Guide du Voyageur Galactique* de Douglas Adams publié en 1979). Et ce n'est que parce que les extraterrestres ne sont pas
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immunisés face aux microbes terrestres que nous avons échappé à l'extermination.
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Ce roman doit graver dans nos esprits deux choses : nous pourrions être
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nous-mêmes ces extraterrestres, nous pourrions nous-mêmes anéantir toute une
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civilisation au motif de vouloir, ou devoir, nous installer ailleurs, et ce sans
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même le savoir, mais est-ce vraiment ce que nous voulons ? Et d'autre part, nous
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devons rester humbles, surtout face à l'inconnu, car nous pourrions ne pas nous
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révéler à la hauteur et risquer l'extinction.
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Enfin, il se pourrait qu'une civilisation extraterrestre soit humaine : si nous
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envoyons effectivement une colonie permanente sur la lune, voire sur Mars, au
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cours des prochaines décennies, et sur d'autres planètes dans les siècles à
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venir, nous devons réfléchir à comment éviter un conflit avec ces colonies.
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Rappelons que de telles colonies seraient vraisemblablement internationales, et
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qu'elles pourraient donc, structurellement, représenter notre espèce auprès
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d'autres civilisations non-humaines dans l'espace, alors que dans le même
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moment, nous restons nous-mêmes divisés sur Terre. Chaque groupe que nous
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envoyons dans l'espace n'est pour le moment qu'une équipe de chercheurs. Quand
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nous enverrons des colons sur un objet astronomique, ils seront à l'origine
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d'une société, indépendante - de fait - des nôtres, sur laquelle nous n'aurons
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pas de contrôle. C'est la raison pour laquelle nous devrions unifier nos
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sociétés, les rendre inclusives, pacifiquement, atteindre l'unification des
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peuples que j'ai mentionné antérieurement, avant de songer à créer de telles
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sociétés. Car, à l'heure actuelle, rien ne me laisse à penser qu'un conflit ne
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pourrait pas éclater entre ces colonies et nous. Rien que le terme "colonie"
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fait référence à de trop nombreuses tentatives pour un gouvernement central de
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fédérer des pays distants, qui, presque tous, ont opté aujourd'hui pour
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l'indépendance. Changeons notre vocabulaire, prenons garde de ne pas répéter nos
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erreurs historiques, et gardons à l'esprit que ces "avant-postes astronomiques"
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seront des sociétés humaines, scientifiques de surcroît
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Dans tous les cas de figure, il faut dès aujourd'hui anticiper des
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communications régulières, à très longue distance et à très haut débit. Il
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faudrait que, dès l'établissement du premier avant-poste permanent, nous
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disposions avec lui de capacités de communications au moins aussi avancées que
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ce dont nous disposons actuellement sur Terre, ce qui, pour l'heure, n'est pas
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possible. En l'absence de communications efficaces, nous ne pourrons pas
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entretenir de relations efficaces avec cet avant-poste. Sans relations, pas de
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structure sociale. Sans structure sociale, pas de civilisation. Nous devons, dès aujourd'hui, résoudre nos problèmes sociaux pour faire avancer la science ; envoyer trop tôt des sociétés s'établir de façon permanente sur d'autres
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corps astronomiques nous obligerait à faire avancer notre technologie pour
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permettre des relations sociales avec elles. Ce qui nous ferait immanquablement
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stagner dans les deux disciplines, alors même que nous serions persuadés d'être
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extrêmement avancés de par la présence-même de ces colons où ils se seront
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établis. C'est là qu'est tout le danger de croire aveuglément en la capacité de
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la science à résoudre tous les problèmes, alors qu'en vérité, elle ne devrait
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servir qu'à formuler des théories et les prouver par l'expérience, afin
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d'améliorer notre compréhension du monde, et pas interférer avec celui-ci.
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Dans un univers âgé de plus de treize milliards d'années, _Homo sapiens_ ne vit
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que depuis trois cent mille ans. Nous devons admettre que d'autres espèces
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existent dans cet univers, et qu'elles ont évolué depuis plus longtemps que
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nous. Il est scientifiquement possible d'admettre que certaines espèces ont pu
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évolué pendant quelques milliards d'années, et qu'elles disposeraient donc de
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capacités, physiques ou techniques, que nous n'avons même encore jamais imaginé.
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Si c'est un fait que la science admet généralement bien aujourd'hui, les
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populations non-académiques ont encore du mal avec cette idée. Beaucoup
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n'admettent même pas l'idée qu'il existe autre chose que nous au-delà de notre
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système solaire. Au même titre que nous n'admettions pas qu'il puisse exister
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autre chose au-delà de la mer dans l'Antiquité.
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Une société astronomique pourrait entraîner la résolution du problème de la
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surpopulation. Après tout, la notion de surpopulation est intrinsèquement liée à
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la couverture géographique : dans l'espace, il y a suffisamment de place pour
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tout le monde, et probablement pour longtemps. Nous ne sommes évidemment pas
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prêts pour entreprendre la colonisation de l'espace, face aux difficultés que
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cela représente à l'heure actuelle. En allant sur notre lune, nous avons glissé
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le bout d'un orteil dans l'eau glacée avant de le retirer aussitôt, et nous n'en
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sommes qu'à projeter de poser un pied sur Mars. Il est certain que cela prendra
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du temps avant de pouvoir établir des colonies permanentes au-delà de notre
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atmosphère, et nous faisons tout pour y parvenir. Mais notre réussite sera
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surtout technique, et nous incitera à pousser de plus en plus loin, sans que
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jamais ne se pose la question "devrions-nous le faire ?". Je n'ai toujours pas
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résolu ce paradoxe malgré mes réflexions sur le sujet : devrions-nous insister
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dans notre entêtement à nous installer de plus en plus loin, grâce à un espace
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"infini", si possible à un rythme suffisant pour inverser la tendance à la
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surpopulation, ce qui résoudrait (ou en tout cas masquerait significativement)
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nos problèmes sociaux, ou devrions-nous chercher une solution plus directe à ces
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problèmes _en premier lieu_ ?
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